Calais, ville ordinaire ?

Voici le texte d’un·e ancien·ne bénévole du Woodyard, cette personne nous a envoyé son témoignage via la page « Témoignage des anciens ». Ce texte ne parle pas du travail à la frontière, mais revient sur le regard qu’il ou elle porte sur la ville de Calais et la manière dont la frontière se matérialise dans cette ville pourtant vouée à être « ordinaire ». Merci à elle ou lui d’avoir partagé cette vision.

Il y a de ces lieux qu’on raconte, qui existent essentiellement par les récits qu’on en fait.

Calais en fait partie. Autour de cette ville de taille moyenne, qui aurait pu rester une ville française de taille moyenne quelconque, tout un imaginaire s’est construit.

Quelles que soient les générations, lorsque le nom Calais est prononcé, le mot « migrants » surgit dans les esprits. Et pourtant.

Et pourtant, 70 000 âmes peuplent « officiellement » les rues de Calais. Ces gens sont des gens avec une vie « ordinaire », qui vivent dans une cité où il y a des écoles ordinaires, des bistrots ordinaires, une piscine et un théâtre, eux aussi, ordinaires.

À se balader oisivement dans Calais, on oublierait presque que nous sommes à Calais.

Et puis, en étant un peu plus attentive et attentif, on remarque ces hommes qui circulent bien souvent en groupe de deux ou trois, des personnes en situation d’exil.

Devant la gare, on peut voir des camions de CRS, nombreux, beaucoup trop nombreux alors qu’aucune manifestation n’est en cours sur la voie publique.

Jamais vous ne verrez ailleurs en France d’autoroutes aussi bien éclairées qu’à Calais. 

Jamais vous ne verrez ailleurs en France d’autoroutes aussi bien éclairées qu’à Calais.

Mais cher•e•s conducteur.rice.s, croyez-vous vraiment que cela soit pour votre bon confort ou pour éviter tout accident ? « Et tous ces barbelés, mais à quoi peuvent-ils bien servir, pourriez-vous vous demander ? Nous ne sommes pourtant pas dans une zone de guerre. Et toutes ces barrières, ces caméras ? ».

Tant de moyens mis en œuvre, tant de forces de l’ordre, de personnel de l’administration réquisitionnés chaque jour pour harceler les personnes en situation d’exil, pour évacuer des lieux de vie des femmes, des hommes, des enfants qui n’ont de toute manière nulle part d’autre où aller. 

Enfin, un but, une destination, toutes ces personnes en ont un : le Royaume-Uni. 

Mais on n’en veut pas en Angleterre, alors on les empêche de traverser. Mais on n’en veut pas non plus à Calais et environs, alors, on les harcèle, on les empêche de « se fixer » quelque part, pour que surtout ces hommes et ces femmes n’aient pas l’impression d’avoir le droit de s’installer un tant soit peu, de construire –même temporairement- un chez eux. 

Quel est le but derrière cette absurdité — si tant est qu’il puisse y avoir un but derrière une absurdité ?

Donner l’illusion, te donner l’illusion cher•e•s concitoyen.ne.s que l’État, le gouvernement maîtrise “les flux migratoires.”

Vite, vite, bientôt auront lieu les prochaines élections. Vite, vite, construisons encore quelques clôtures pour accroître l’illusion.

Des millions. Des millions investis chaque année dans la militarisation de la frontière, plutôt que dans l’accueil digne.

Triste France, le pays de mon enfance.


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